Violation d’une liberté fondamentale par l’employeur sanctionnée par la nullité du licenciement

Jurisprudence relative à la liberté d’expression d’un salarié

Dans une décision en date du 13 février 2019, la Cour de cassation prolonge sa jurisprudence initiée en fin d’année 2018.

Elle estime que le seul fait que l’employeur fasse référence dans le corps de la lettre de licenciement d’une procédure contentieuse initiée par le salarié constitue une atteinte à la liberté fondamentale garantie par la Constitution, d’agir en justice et prive le licenciement d’une cause réelle et sérieuse.

Cette jurisprudence va dans le sens de la protection du salarié, qui ne peut être licencié pour avoir menacé l’employeur de faire valoir ses droits en justice, que ses demandes soient fondées ou pas, et que le Juge soit saisi ou pas (voir Cass.soc, 21 novembre 2018 n°17-11.122).

L’employeur doit se montrer très vigilant dans la rédaction de la lettre de licenciement, quand bien même les règles de la motivation de la lettre de licenciement ont été aménagées par la réforme du Code du travail.

Cass. Soc, 13 février 2019 n°13-23.720

Cette décision a  récemment fait l’objet de précision dans le cadre de l’exercice par un salarié de sa liberté d’expression dans un arrêt du 16 février 2022 (Cass. soc, 16 février 2022 n°19-17.871)

Dans cette espèce, un salarié cadre avait été embauché en qualité de directeur fiscal dans une banque et a été licencié pour insuffisance professionnelle.

Il a fait valoir que son licenciement était nul au motif que le licenciement prononcé à l’encontre d’un salarié à qui il était seulement reproché d’avoir usé, sans abus de sa part, de sa liberté d’expression, est entaché de nullité et fondait sa demande au visa de l’article L1121-1 du Code du travail et l’article 10§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et du citoyen.

Par une réponse circonstanciée, la Cour de cassation indique :

” Il résulte de ces textes que sauf abus, le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression, à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées.”

Le licenciement prononcé par l’employeur pour un motif lié à l’exercice non abusif par le salarié de sa liberté d’expression est nul.

Dans le cas qui nous intéresse, la salarié avait exprimé un désaccord sur les modalités d’intégration de cette banque auprès d’une autre banque.

La Cour indique :”alors qu’elle avait constaté que les propos litigieux sur lesquels était fondé le licenciement ne caractérisaient pas un abus par le salarié de sa liberté d’expression, la Cour d’appel [de Paris] aurait en déduire la nullité du licenciement et non un licenciement sans cause réelle et sérieuse”.

Là encore, l’incidence sur l’application du régime de la nullité du licenciement n’est pas anodine pour l’employeur car, dans le cadre d’un licenciement est donc entaché de nullité, ce qui signifie que le salarié peut être fondé à solliciter :

-soit sa réintégration dans l’entreprise, le salarié peut alors prétendre au versement d’une indemnité égale au montant de la rémunération qu’il aurait dû percevoir entre son licenciement et la date de sa réintégration;

-soit une indemnité réparant la nullité de son licenciement qui sera évaluée en dehors du barème des indemnités de rupture de l’article L.1235-3 du Code du travail et au moins égale à 6 mois de salaire.

 

https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000038161373&fastReqId=559916789&fastPos=1

 

Décision – Pourvoi n°19-17.871 | Cour de cassation